Les intervenants

Stéphane Dugowson


Biographie

Ancien élève des écoles Normales Supérieures de Fontenay-aux-Roses et Lyon, agrégé de mathématiques, docteur en histoire et philosophie des sciences, Stéphane Dugowson est maître de conférence en mathématiques appliquées à l’Institut Supérieur de Mécanique de Paris. Après sa thèse consacrée à trois siècles d’histoire de la dérivation d’ordre non entier, ses recherches mathématiques concernent notamment, depuis une vingtaine d’années, les notions de frontières et de connexité, ce qui le conduira à élaborer une théorie générale de l’interactivité mettant en jeu des ¬´ dynamiques ouvertes non déterministes ¬ª fondées sur des temporalités définies en termes de catégories. Ces travaux se poursuivent dans un dialogue constant non seulement avec d’autres mathématiciens, mais aussi des ingénieurs, des philosophes, des psychanalystes et des artistes.

Conférence : Peut-on influencer l’intemporel ?

Cette curieuse question, d’allure paradoxale, a surgi au cours de mes recherches mathématiques sur l’interaction des systèmes dynamiques. On distingue classiquement deux sortes de systèmes dynamiques : ceux pour lesquels le temps est continu, et ceux pour lesquels le temps est dit discret, comme le tic-tac d’une horloge. Pour développer une théorie des interactions entre des systèmes aussi différents, il m’a d’abord fallu trouver un cadre unifié qui les rassemble. L’idée est que les états dans lesquels se trouvent ces systèmes connaissent des transitions qui se composent selon la succession des durées. Il en découle une conception générale des durées (et des transitions) fondée sur leur capacité à se composer, ce qui conduit à définir les durées par ce que les mathématiciens appellent les « flèches » d’une « catégorie ». Or, ce cadre conduit en fait à concevoir une infinie diversité de temporalités : outre les temporalités linéaires (discrète ou continue), on rencontre ainsi du temps cyclique, du temps multi-dimensionnel, des temps parallèles, du temps arborescent, … Chaque temporalité de ce genre donne lieu à des dynamiques spécifiques. En particulier, lorsque la temporalité considérée ne contient pour seule durée que la durée nulle, on obtient des « dynamiques intemporelles » en fait parfaitement statiques, a priori sans intérêt puisqu’il ne s’y passe rien. Or, une certaine difficulté technique m’a conduit à modifier un peu mes définitions, ce qui a eu l’effet inattendu de rendre intéressantes ces dynamiques intemporelles en les rendant d’une certaine façon influençables par les dynamiques aux temporalités plus classiques. Impliquant des aspects mathématiques non triviaux, les questions que soulève ce type d’influence se révèlent également constituer un défi philosophique passionnant, impliquant les idées d’éternité, de nouveauté absolue de l’instant, de libre arbitre, de destin et de limites du connaissable, aux frontières de la spiritualité.